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  • Photo du rédacteurCharles

Malacca, un authentique Games of thrones (V)


Le 10 aout 1511, Albuquerque lance un nouvel assaut terrestre.


Auparavant il a réuni ses capitaines et exposé ses plans : enlever la cité et construire une forteresse comme à Goa, Ormuz, etc. Evidemment tous ne sont pas enchantés et n’ont franchement que faire de Malacca, mais tous ont appris qu’il vaut mieux ne pas réveiller la fureur du Lion des mers du sud.


Piquiers et canonniers font merveilles, les Malais sont défaits. La journée est à nouveau aux Portugais, cette fois-ci ils ne se replient pas sur leurs bateaux mais tiennent la tête de pont qu’ils viennent d’arracher au malais dont les incessantes contre-attaques sont repoussées. L’ennemi ne tardent pas à faiblir, lâche pied et se débande dans la confusion.


La journée est d’autant plus à la dynastie Aviz qu’Utima Rajah le plus puissant des commerçants de Malacca se rallie aux vainqueurs du jour. Le personnage mérite l’attention, après avoir été l’un des principaux instigateurs du « banquet rouge » visant à massacrer l’ambassade portugaise en 1509, ce riche javanais disposant de 6000 esclaves fournit une force de 600 hommes (données sans doute discutables mais ce sont ceux des chroniqueurs de l’époque) pour épauler les Portugais à pourchasser les débris des armées malaises. Ce faisant il devient incontournable, envahissant serait plus approprié car Utima Rajah à ses propres vues sur le devenir de Malacca.


Après avoir trahi le sultan de Malacca, il se propose de doubler les Portugais en préparant secrètement le retour dudit sultan ou cherche-t-il à provoquer un changement dynastique en sa faveur ? Toujours est-il que ses rivaux auront beau jeu de le dénoncer à Albuquerque qui, perfidie pour perfidie, le convoquera toutes affaires cessantes pour le récompenser à sa juste valeur. Du moins c’est ce qu’Utima Rajah dut fantasmer car ne se doutant de rien il se présentera aux Portugais. Ces derniers ont tôt fait de se saisir de sa personne et des principaux membres de sa famille. Malgré les supplications (en or, épices, main d’œuvre pour ériger la forteresse) de son épouse, ils sont exécutés sans trainer.


Le Portugal vient de s’ancrer à Malacca.


On pourrait épiloguer à loisir sur la rivalité islam/chrétienté exportée à l’autre bout du monde. Certes, mais je note que les communautés hindoues et chinoises se rallient d’autant plus aisément aux Portugais qu’ils ne menacent pas leurs intérêts économiques au contraire de ceux des Gujeratis. Ces derniers sont les grands perdants de l’arrivée des Lusitaniens qui ruinent leur commerce sur l’océan indien (avant eux, ils étaient les principaux fournisseurs d’épices à l’Egypte mamelouke, Alexandrie et donc Venise). Autrement dit défendre la religion c’est bien, protéger les intérêts sonnant et trébuchant c’est mieux.


Dans le même ordre d’idée, originellement le sultan Mahmoud n’avait rien contre l’installation de nouveaux commerçants, du moment qu’il levait ses taxes sur les marchandises transitant dans ses entrepôts.


Bref la prise de Malacca a sans doute plus à voir avec de sombres intérêts financiers qu’autre chose.


Enfin l’Histoire est faite pour être écrite et réécrite.


Après comment la présence portugaise se développera, rayonnera et fatalement périclitera est une toute autre histoire contée dans le circuit découverte historique « La fille du Vent ».


Pour ce qui est du côté « Games of thrones » de cette petite série d’articles j’espère que vous aurez apprécié ces enchainements d’évènements parfois tortueux qui ont conduit à la prise d’une ville que quelques années plus tôt l’Europe était bien en mal de situer sur une carte qui elle-même était encore à dessiner.


Illustration : le commerce des épices au Moyen-Age.

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