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Malacca, un authentique games of throne (II)

Faute d’une découverte probante par Vasco de Gama, l’Occident toujours en quête du fabuleux royaume du prêtre Jean l’a peu à peu décalé des Indes vers la Corne de l’Afrique, du côté de l’Ethiopie, de l’Abyssinie. On ne sait où au juste mais c’est assurément quelque part par là.


Avec « grands espoirs » Alfonso d’Albuquerque annoncera dans l’une de ses lettres à son suzerain l’envoi à Lisbonne d’un Africain qui s’est présenté comme l’ambassadeur dudit royaume mythique. En cours de route ledit ambassadeur se révèlera être un fieffé coquin, il finira la croisière dans les fers, sera élargi... Autant pour le mythe du fabuleux royaume prêtre Jean.


Question géographie ce n’est guère mieux, la région située au-delà des Indes est assimilée par Ptolémée à l’Ophir de la Bible. Et comment évoquer l’Ophir sans ses fameuses mines d’or ? Or, dans les années 1500 le géographe grec fait toujours référence. Bref, vous imaginez les connaissances étendues des terres, royaumes, richesses, peuples, croyances, etc. du monde malais. Terra incognita, s’il en est. Toutefois Lisbonne a ouï dire de l’existence d’une contrée riche dont la capitale se nomme Malacca ou Malacha si on se réfère à la mappemonde assez singulière de Fra Mauro en 1459 (en illustration).


Du coup une mission exploratoire s’impose, il s’agit d’en sonder les possibilités commerciales, les richesses, etc. En 1509 l’explorateur Diogo Lopez de Sequeira se retrouve à la tête d’une ambassade chargée de prendre les premiers contacts avec Malacca.


Déjà parvenir à bon port ne fut pas chose simple, dénichez aux Indes des pilotes connaissant les voies de navigations, etc. Enfin, en septembre 1509 les Portugais sont en vue de Malacca. Sans doute étonné par l’apparition de blancs barbus à la propreté douteuse le sultan Mahmoud n’a de prime abords rien contre l’arrivée de nouveaux venus d’on ne sait où avec leurs étranges navires de haute mer. Comme cela fut accordé aux Chinois, Japonais et autres Gujeratis par le passé les Portugais sont autorisés à édifier un petit comptoir, du moins établir un entrepôt commercial.


Mais les commerçants arabes, surtout les redoutables Gujeratis -mahométans eux aussi mais du Nord de l’Inde- ne voient pas la chose d’un bon œil. Depuis Vasco de Gama les flottes portugaises se font de plus en plus pressantes sur l’océan indien. Elles attaquent, pillent, massacres les nefs arabes -pèlerins y compris- perturbant sérieusement le monopole arabo-vénitien sur le commerce des épices.


Sans surprise, les Gujeratis et les Arabes ont l’oreille du sultan Mahmoud, surtout sur celles de son fils. Le premier est semble-t-il peu enclin à défier les nouveaux venus, après tout ils représentent un débouché supplémentaire pour une cité vouée au commerce. Le fils, lui, sera plus entreprenant. Toujours est-il que les nouvelles des exactions portugaises à Goa, Aden, Ormuz sont vraisemblablement parvenues jusqu’à Malacca. Les Portugais n’ont certes pas le monopole des violences de l’époque mais ils disposent d’un armement écrasant et forts enclins faire parler la poudre.


Les Gujeratis complotent, bientôt un traquenard est monté. Ce sera une très classique histoire de banquet au cours duquel ils projettent de massacrer les Portugais. Un « banquet pourpre » qui ne déplairait pas GRR Martin.


Mais les Portugais en sont informés, peut-être par Nina Chattu, un commerçant hindou du Sud de l’Inde, ou par les commerçants de l’empire du Milieu. Les deux communautés hindoues et chinoises ont un point commun, elles ne sont pas musulmanes et ne bénéficient certainement pas autant de la bienveillance des sultans de Malacca. Jalousie quand tu nous tiens. Un troisième candidat à la trahison et pas des moindres est Utimutiraja, le plus richissime marchand de Malacca, un Javanais heureux propriétaire de 6 000 esclaves. Lui, il trahira tout le monde avant d’être trahi lui-même par sa propre ambition.


Mais fi de tout cela. Si j’en crois le Rulers of India, Albuquerque de H. Morse Stephens c’est une Javanaise amoureuse de l’un de ses beaux fidalgos à la peau si exquise qui se serait jetée à l’eau pour gagner les nefs portugaises et prévenir le prince de son cœur.


Prévenu à temps Diogo Lopez de Sequeira s’ensauve de justesse, abandonnant une vingtaine de ses hommes qui étaient à terre sous le commandement de Ruy de Araujo. Voilà une piteuse fin pour une prise de contact pacifique.


Enfin nous avons là un aperçu d’une Malacca pré portugaise divisée en factions rivales (chinoises, indiennes, arabes, javanaises, etc.) gravitant autour d’un sultan dont le pouvoir n’apparait pas des plus établis vu les intrigues qui se trament dans son dos.

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