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Malacca, où perdre son temps ?




Régulièrement la mosquée « flottante » est présentée comme une visite incontournable à Malacca. Son coucher de soleil, son architecture unique, sa sérénité, etc. sont absolument irrésistibles.


En fait, non, elle est à fuir.


Le coucher de soleil, désolé, il n’y a pas réellement de bon site à Malacca pour cela. Même sur la colline Saint Paul, ce n’est pas le top. À la différence de la mosquée flottante, le lieu est fréquenté, car ladite mosquée est excentrée sur une île artificielle « Pulau Arab » qui se révèle n’être pas toujours des plus fréquentables. Une Coréenne en aurait fait les frais en s’y rendant avec un taxi un peu trop collant… Le jour où j’ai entendu cette histoire, la personne ne blaguait pas, du moins j’en serais surprit. Cela faisait un moment déjà que je me disais que jamais je n’irais installer mes pénates dans ce coin-là, la nuit dans des tours quasi déserte, brrr. Un remake de « Buffet froid », merci, mais sans façon, je passe.


Avant le pont, nous avons les massages, karaokés et autres activités plus ou moins sexy, suivi d’une zone incertaine sans aucun attrait où l’on retrouvera sans doute des dortoirs travailleurs immigrés aux budgets limités. Au-delà du pont on s’aventure dans l’incertain, le quartier est ce que l’on appelle un éléphant blanc, une suite de projets sans réalité économique. Bref y végètent des immeubles jamais achevés, habités, sur un site gagné sur la mer.


Un premier projet privé (le pont était fermé par un portail) ayant capoté au début des années 2000, il fut relancé par un autre, ce serait Pulau Arab « l’île aux Arabes ». Pour ce faire on ouvrit l’île au public, on décida d’y construire un « marché arabe ». Las, les investisseurs arabes ne vinrent jamais. Faute d’acheteurs, l’entreprise partit en vrille et ne fut jamais achevé. Par contre la mosquée incluse dans le projet et jouxtant le marché le fut. Comme elle se trouve sur le front de mer, quelqu’un la baptisa « mosquée flottante ».

Pourquoi pas, le nom est vendeur. Mais je vous laisse imaginer la valeur intrinsèque d’une mosquée de banlieue érigée à des fins commerciales par des promoteurs immobiliers en mal de clients, donc de fonds. C’est très cheap, même si au premier regard cela fait illusion.

Tout cela tomba dans l’oubli jusqu’au jour où le site commença à être encensé sur le Net, il fut même en tête de gondole sur Trip advisor dans la catégorie « meilleure attraction ». Il est toujours dans le top 10.


Personnellement, je n’ai jamais compris la raison de cet engouement. Ceci dit Trip advisor, c’est tout de même du grand n’importe quoi. Actuellement le top du top, c’est d’aller faire mumuse avec des Huskies. Euh, il y a comme une erreur de casting là, des chiens de traîneau sous les Tropiques dans un pays avec plus de 60 % de musulmans, d’ordinaire peu enclins à sympathiser avec la gent canine.



Bon revenons à nos moutons, Malacca fut fondée vers 1400, elle fut classée en 2008 par l’Unesco au patrimoine mondial. La mosquée flottante a une vingtaine d’années. Sérieux, vous avez une cité avec plus d’un demi-millénaire d’histoire et vous allez visiter une mosquée quelconque dans un quartier pas spécialement fréquentable la nuit tombée ? D’ailleurs il me semble qu’à l’heure de la prière du soir, elle est déjà fermée dixit des pratiquants.


Passons, parmi les édifices remarquables, vous avez le plus vieux temple chinois de Malaisie, le Cheng Hoon Teng (vers 1600’s), les plus anciens vestiges européens en Asie du Sud-est, l’église Saint Paul (1548).


Et aussi deux bijoux typiques de l’architecture du monde malais avec les mosquées de Kampung Kling (1748) et celle de Kampung Hulu (1720’s). Celles-là valent réellement le détour, ne serait-ce que pour le mix d’influences religieuses et culturelles qui s’y entremêlent et illustrent ce mille-feuille humain qu’est Malacca, une cité où Tomé Pires (la « Soma orientale » début XVIe) écrivait que l’on y pratiquait 84 langues. 


Pour faire bonne mesure, j’ai glissé une image de la mosquée flottante en 2016 et Kampung Kling en 2022 et 1860.


Ceci dit, j’ai l’impression que l’aura indue à mon regard — libre à chacun de voir midi à sa porte ou son coucher de soleil dans le cas présent — commence à se ternir. J’ai eu dans les mains un exemplaire récent du Guide du routard, elle n’était pas mentionnée (possible erreur de ma part, je n’ai que feuilleté). On m’a aussi susurré à l’oreille que le Lonely planet découragerait la visite. Intéressant. Pour sûr, même Trip advisor avec tous ses biais incongrus l’a relégué à la dixième place de son top biscornu.


Bref, laissons du temps au temps. Malacca, cette grande dame qui en son temps régna sur le détroit qui porte aujourd’hui son nom ne se formalisera pas sur les goûts de ses visiteurs d’un jour.

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